Le mal-logement au prisme de la crise sanitaire et sociale
Deux expressions reviennent fréquemment depuis quelques mois pour qualifier l’impact de la crise sanitaire sur les conditions de logement : la « double peine » pour ce qui concerne les personnes sans-abri ou mal-logées et la « bombe à retardement »[1] pour les ménages modestes, mais aussi pour leurs bailleurs et par extension tous les acteurs de l’immobilier ainsi que ceux l’urgence et de l’hébergement…
A l’heure où nous écrivons (début novembre 2020), les phénomènes de « double peine » peuvent être largement documentés car ils sont, pour la plupart, déjà advenus même s’ils connaissent une évolution singulière avec le deuxième confinement. Et il est tout à fait opportun d’en décrire la portée dans la mesure où ils touchent les personnes les plus fragiles. Cela est d’autant plus important que, les semaines passant, certaines conséquences peuvent encore s’aggraver pour ces mêmes personnes tandis que de nouvelles populations, devant le prolongement des mesures de précaution sanitaire qui continuent à perturber la vie économique et sociale de notre pays, vont se trouver fragilisées, voire vont basculer dans la précarité (la fameuse « bombe à retardement »). A propos de cet élargissement du cercle des victimes de la crise sanitaire, il semblerait qu’une frange de population commence à être identifiée, que l’on peut désigner comme les ménages « qui vivaient sur le fil », c’est-à-dire qui parvenaient à peine à assumer leurs dépenses en combinant petits salaires, aides sociales, économie domestique, etc. Certains d’entre eux ont cessé de payer leur loyer, ou sont revenus sur leurs projets de déménagement ou d’installation en raison d’une incertitude sur l’évolution de leurs ressources. Pour ceux-là, les prochains mois seront déterminants.
A l’analyse et après avoir rencontré des acteurs de première ligne et des personnes ayant subi le confinement-déconfinement-reconfinement, il nous semble que l’on ne pourra pas se contenter d’annoncer qu’avec la crise sanitaire, la crise du logement est devenue plus grave et plus profonde. Il apparait que les deux « crises » se sont conjuguées pour mettre en lumière la gravité du mal-logement et les limites des politiques actuelles, puisqu’apparemment le logement n’est guère une priorité de ce gouvernement (une ministre déléguée, un plan de relance qui fait peu de place au logement, hormis pour ce qui concerne la rénovation thermique des bâtiments). Malheureusement, cette visibilité n’a pas abouti à une « prise de conscience » qui pourrait laisser espérer une mobilisation accrue dans les politiques en faveur du logement des défavorisés qui demeurent des politiques d’accompagnement destinées à limiter les effets les plus violents de la crise du logement.
Alice Best et Didier Vanoni
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[1] https://www.franceculture.fr/societe/la-bombe-a-retardement-du-logement