Le surpeuplement, une forme de mal-logement toujours prégnante et socialement discriminante

Avec cette nouvelle livraison de notre revue, nous poursuivons notre exploration des différentes dimensions du mal-logement[1]. Le texte présenté ici reprend l’essentiel de la contribution de notre bureau d’étude à la rédaction du chapitre du 23ème Rapport annuel sur l’état du mal-logement que publie la Fondation Abbé-Pierre.

Le thème du surpeuplement des logements choisi pour l’édition 2018 de ce rapport fait partie de ce que l’on peut appeler un « faux bon sujet » pour ce qui concerne la lutte contre le mal-logement. En effet, bien qu’il s’agisse d’un phénomène massif et relativement bien identifié (8,6 millions de personnes touchées dont 934 000 de façon « accentuée), il n’a été jusqu’à présent que très rarement traité en tant que tel et il ne fait pas partie des grandes thématiques des politiques de l’habitat. Bien plus, il est souvent présenté comme une dimension secondaire d’autres phénomènes considérés comme plus importants comme l’insalubrité, les expulsions locatives ou les difficultés d’accès au logement, etc.

Paradoxalement, ce serait le fait que le surpeuplement n’épargne aucun secteur (l’hébergement comme le parc privé et le parc social) et aucun type de ménages (familles, jeunes couples, locataires, propriétaires, etc.), ainsi que son importance quantitative, qui en font un problème sous-estimé et minoré. Au point où parfois, le surpeuplement est présenté comme une fatalité voire, en territoire tendu, comme le résultat d’un choix lié à la rareté des biens dans les centres villes et au refus de certains d’habiter en périphérie.

Pourtant, dès lors que l’on examine les effets sociaux de l’inadéquation entre taille de logement et la composition du ménage, il n’y a pas de doutes à avoir sur le caractère endémique de ce phénomène et sur l’importance des risques qu’il fait encourir aux personnes qui en sont victimes (mauvaises conditions de vie, aggravation des conflits familiaux, réduction de la vie sociale, troubles du sommeil et de la santé, absence d’intimité et d’espaces permettant le travail scolaire, …).

Les enquêtes menées pour l’élaboration de la contribution au rapport de la Fondation Abbé-Pierre ont donc eu deux objectifs convergents : d’abord, nous avons souhaité rendre compte du phénomène de surpeuplement à partir des dimensions sociales qui l’alimentent (pauvreté persistante, évolution de la structure familiale qui voit l’augmentation des familles recomposées, phénomènes migratoires, …), en analysant son impact sur la vie quotidienne des ménages. Ensuite, nous avons choisi d’aborder les obstacles qui surviennent dans la prise en compte du surpeuplement dans les politiques de l’habitat.

Alors que le surpeuplement cause des préjudices importants aux familles ne disposant pas d’un logement conforme à leurs besoins, l’intervention publique reste marginale dans les politiques de l’habitat. C’est pourquoi, il nous est apparu important de sortir du déni ou de l’euphémisation de ce phénomène en renversant la logique à l’œuvre : ce ne sont plus les ménages qui doivent être tenus responsables des situations de mal-logement associées au surpeuplement, mais les dispositifs et les acteurs de l’habitat et du logement.

Des leviers existent pour faire face au surpeuplement, il s’agirait sans doute de mieux les utiliser. Ainsi, le recours au DALO, le plus grand respect des normes d’occupation mais aussi les procédures du code de la santé publique sont autant de leviers qui pourraient ainsi être activés pour permettre le « desserrement » des ménages en situation de suroccupation. Néanmoins, pour faire reculer réellement cette forme de mal-logement, il semble bien qu’il faille proposer de véritables actions structurantes. En l’occurrence, il s’agirait de considérer comme prioritaires à la fois la production d’une offre diversifiée et abordable, l’amélioration de l’habitat, la solvabilisation des ménages par les aides personnelles au logement, la fluidification des parcours résidentiels, etc.

On le constatera, dans cet inventaire des actions à mener, il s’agit toujours et encore de revenir sur les orientations générales de la politique du logement. On pourra regretter qu’il y ait peu ou pas d’innovations et rien qui puisse stimuler l’imaginaire des décideurs et des média. Et c’est sans doute là l’un des « drames » que nous a permis de mettre au jour le traitement d’un sujet aussi « banalement grave » que le surpeuplement : celui de révéler les limites des réponses apportées et le fatalisme qui lui est attaché.

Didier Vanoni

FORS-Recherche sociale

[1] On pourra consulter sur le site de FORS (www.fors-rs.com) la liste des numéros de la revue Recherche sociale où ont été abordés récemment différentes dimensions du mal-logement et ses conséquences comme : « La mise en œuvre du Droit au logement opposable (DALO) » (n°218), « L’accompagnement dans les résidences sociales » (n°217), « Les ménages aux portes du logement » (n°212) ou « La question du logement dans une société fragilisée » (n°207).