Jeunesse, ville, éducation : parcours au sein des politiques de jeunesse de 2003 à 2023

La jeunesse est un parcours…

Cette nouvelle livraison de notre revue a été sous-titrée « parcours au sein des politiques de jeunesse de 2003 à 2023 ». Cependant, si cette formule donne une clé pour aborder ce numéro, elle ne reflète pas exactement son contenu, ni non plus toutes ses intentions.

En effet, la succession des textes présentés ici cherche davantage à éclairer la place donnée à la jeunesse dans notre société au fil du temps qu’à proposer une analyse longitudinale de ce que sont ou ont été les politiques de jeunesse depuis 20 ans. Ces textes offrent, en définitive, une exploration du rapport qui peut exister, ou qui a pu exister, entre le fait urbain et la jeunesse et ce, notamment dans la manière dont ce lien est entrepris dans les politiques publiques. En cela, le propos consiste à aborder sous des angles divers la manière dont les politiques de jeunesse et de façon générale, les politiques publiques agissent pour, avec, et parfois, contre les jeunes.

Toutefois, la notion de parcours au sein d’une chronologie, de 2003 à 2023, n’est pas non plus à négliger, surtout si l’on considère que ces textes ont été produits par le même auteur, à l’occasion de commandes faites pour diverses publications, ou pour rendre compte de travaux de recherche menées dans un cadre académique.

Alain Vulbeau, l’auteur de ces textes, travaille en qualité de sociologue, depuis plus d’une quarante ans sur les thèmes de la jeunesse, de la ville et des politiques sociales et territoriales. Ses travaux récents, repris très partiellement ici, ont concerné les politiques publiques de la jeunesse, en particulier dans le domaine de l’insertion sociale, de la culture et de l’exercice de la citoyenneté. Par ailleurs, il s’est aussi intéressé dans de nombreux travaux aux expressions des jeunes en milieu urbain que ce soit sur le plan de l’éducation, des cultures urbaines ou sur le plan civique (conseils de jeunes). Le parcours de textes proposé ici trouve sa genèse dans deux ouvrages édités avec le soutien de l’Institut de l’enfance et de la famille[1]. Leur objet, les politiques de la jeunesse[2] et les tags[3], comme leur contemporanéité, le tournant des années 1990, indiquent la démarche de leur auteur : rendre compte des « inscriptions de la jeunesse » c’est-à-dire la place que les institutions prévoient d’attribuer aux jeunes mais aussi celle que les jeunes se donnent eux-mêmes[4].

On l’aura compris, avec ce « parcours », nous proposons plusieurs niveaux de lecture pour ce numéro de Recherche sociale.

La première façon de lire de ce numéro de Recherche sociale consisterait ainsi à prendre chacun des textes qui le composent comme une contribution à une sociographie ou socio-ethnographie de la jeunesse qui, par des éclairages successifs et selon des angles différents (notamment au travers des questions de socialisation en milieu urbain), nous donnerait à voir la manière dont celle-ci est appréhendée dans notre société et plus particulièrement, par les politiques publiques.

La seconde façon serait de considérer la succession des textes comme un itinéraire qui traverserait les différents lieux et occurrences où se trouvent mises en relation des faits urbains avec la question de la jeunesse. Au-delà de sa valeur heuristique et documentaire, l’intérêt de cette seconde lecture réside dans le fait que ces sujets ont été abordés sur une vingtaine d’années en concomitance avec le parcours biographique de leur auteur. En cela, la compilation proposée devient signifiante dans la mesure où elle rend compte de la manière dont le sociologue lui-même, construit progressivement, tout au long de sa carrière de chercheur, sa compréhension des phénomènes qu’il étudie et ce faisant les donne à voir selon son propre prisme[5]. Cette jeunesse, son rapport avec la ville et les politiques qui s’y rapportent pourraient alors avoir une réalité qui serait indissociable de ce que le sociologue aura contribué à mettre au jour. Cette assertion a une signification forte pour l’équipe de FORS-Recherche sociale qui travaille quotidiennement aux cotés de décideurs et de professionnels de terrain pour expliciter ce que sont les problèmes et les mutations auxquels ils se confrontent, et pour que soient mises en œuvre des politiques publiques chargées d’y répondre ou d’en réguler les effets.

Une dernière remarque à propos des textes présentés ici : la bibliographie d’Alain Vulbeau étant riche, il a fallu faire un choix dans un corpus de plusieurs dizaines de textes et d’ouvrages. L’exercice consistant à faire une sélection qui ait du sens en tant qu’ensemble, avec cependant des articles ou des extraits de textes qui puissent se lire indépendamment les uns des autres, s’est avéré finalement assez difficile. C’est pourquoi notre démarche a pu être guidée aussi par le plaisir que nous avons eu à découvrir (ou redécouvrir) des approches séduisantes tout autant qu’inspirantes des questions de jeunesse. Nous espérons que d’autres que nous aurons le même sentiment en abordant des textes dont l’écriture parvient à stimuler la réflexion sans abandonner la rigueur scientifique.

Didier VANONI

Directeur de FORS-Recherche sociale


[1] L’Institut de l’enfance et de la famille (I.D.E.F.) fut un établissement public administratif créé en 1984, en application du IXe Plan dont la mission était de recenser, de valoriser et de diffuser l’information et les recherches sur les problèmes familiaux et l’accueil des enfants, sur les expériences en ce domaine, ainsi que de susciter des débats et des rencontres entre les divers partenaires concernés : pouvoirs publics, partenaires familiaux, partenaires sociaux, chercheurs, élus locaux.

[2] A. Vulbeau, « Guide des politiques de la jeunesse : paysages, dispositifs, références », Syros Alternatives, 1990

[3] A. Vulbeau, Du tag au tag, institut de l’enfance et de la famille, 1990 (rééd. Sens et Tonka Ed., 2006).

[4] Un ouvrage plus tardif proposera une synthèse de ces deux approches : A. Vulbeau, Les inscriptions de la jeunesse, L’Harmattan, Collection Débats jeunesses, 2003.

[5] Cf. la démarche prônée par les tenants de la recherche biographique dont l’objet peut se définir comme « l’étude du processus de constitution mutuelle des individus et des espaces sociaux dans lesquels ils vivent ». Ce qui peut s’appliquer à bien des situations, y compris celle du sociologue face à son objet d’étude. Voir par exemple Christine Delory-Momberger (2009) et Franco Ferrarotti (1983) et Elsa Lechner « La recherche biographique aujourd’hui : de la science de l’incertitude au savoir ancré ».