Aux portes de la rue : les sortants d’hôpitaux psychiatriques

Cela fait plusieurs années que les « sortants d’institution » sont régulièrement cités comme un public spécifique dans les différents documents et instances cadres de la politique du logement et de lutte contre la pauvreté.

Ils ont cependant rarement fait l’objet d’études plus approfondies, malgré l’ampleur de la représentation de ce public parmi les personnes mal-logées. Face à ces constats, la Fondation Abbé Pierre a choisi de traiter, dans son 24e rapport sur l’état du mal-logement en France, le sujet des ruptures de parcours subies par les sortants d’institutions. Après avoir traité en 2015 le sujet des ménages « aux portes du logement » (Recherche Sociale n°212), il s’agit ainsi aujourd’hui d’évoquer ceux qui se retrouvent au contraire « aux portes de la rue » après une prise en charge en institution.

FORS-Recherche Sociale a contribué à la réalisation de cette étude thématique qui constitue le premier chapitre du rapport de la Fondation Abbé Pierre en 2019. Trois publics en particulier ont été ciblés dans le cadre de cette étude : les sortants de détention, les sortants d’hôpitaux notamment psychiatriques et les sortants de la Protection de l’Enfance. (…) Ce numéro de Recherche Sociale, qui constitue le deuxième volet d’une série sur ces trois publics, cible celui des sortants d’hôpital psychiatriques et plus largement des personnes souffrant de troubles psychiatriques ayant des difficultés d’accès au logement. (…)

La situation des personnes mal-logées ou sans domicile souffrant de pathologies psychiatriques, visiblement non prise en charge, interpelle : pourquoi la personne n’a-t-elle pas eu accès aux soins ? Si elle y a eu accès, pourquoi s’est-elle ensuite retrouvée à nouveau à la rue ou en situation de mal-logement ? Comme pour les personnes à la sortie de l’aide sociale à l’enfance ou d’une période de détention, la fluidité et le passage de relais entre une institution bien identifiée – la psychiatrie publique de secteur – et l’action sociale « généraliste » sont, dans de nombreux cas, limités. Cette absence de coordination génère des ruptures brutales dans l’accompagnement, qui participent de l’aggravation des problématiques de santé vécues par les personnes mal-logées, à commencer par les sans-domiciles. (…)

En analysant les problématiques propres à la psychiatrie mais aussi au secteur de l’hébergement et du logement, ce numéro de Recherche Sociale replace les difficultés d’accès au logement des personnes souffrant de maladie mentale dans leur contexte historique et social. De plus, les différents entretiens réalisés permettent d’identifier plusieurs « bonnes pratiques » qu’il convient de renforcer et de diffuser. Malgré l’ampleur et la complexité du sujet, ce travail tente de proposer des pistes de réflexion structurelles et non circonstancielles aux acteurs concernés. De fait, seul un changement de paradigme global, à la fois au sein de la psychiatrie mais aussi de la société toute entière, permettra de garantir l’accès au logement des personnes précaires souffrant de troubles psychiatriques, et in fine, leur intégration dans la cité. 

Juliette Baronnet et Ariane Alberghini

FORS-Recherche sociale