De la connaissance à l’action, 50 ans d’études réalisées par FORS-Recherche sociale pour des commanditaires publics et associatifs

La revue trimestrielle Recherche sociale, qui compte avec le présent numéro, 214 livraisons est l’émanation d’une structure d’études et de recherche indépendante qui a pour nom FORS. Cet acronyme désignait à sa création, en 1965, la Fondation pour la recherche sociale. Cette fondation avait été créée par différentes personnalités du monde associatif désirant se doter de moyens d’investigations et de connaissances propres, en capacité de produire des travaux qui leur permettraient d’orienter, de piloter et d’évaluer leurs interventions.

Ces structures, héritières du catholicisme social (CEAS, Réseau Culture et promotion,…) ont depuis longtemps cessé d’être les destinataires des résultats des travaux de FORS et même d’entretenir un lien quelconque avec le bureau d’études. Depuis le début des années 1970, déjà, l’activité de FORS était exclusivement financée par des études destinées à des commanditaires extérieurs. Depuis 1995, la gouvernance de FORS, qui ne disposait plus du statut de Fondation, s’était complétement émancipée des structures et personnalités qui en étaient à l’origine, conservant cependant son statut associatif et quelques activités non commerciales, telles que l’organisation de colloques, la participation à des journées d’études ou l’édition de la revue Recherche sociale.

Depuis lors, et malgré ces évolutions, le bureau d’études dénommé dorénavant FORS-Recherche sociale, n’en a pas moins poursuivi la démarche qui était la sienne à l’origine. Cette permanence des valeurs se retrouve ainsi dans une certaine continuité dans les thèmes abordés mais aussi dans les méthodes d’intervention utilisées. Même si le contexte institutionnel, politique et sociétal a considérablement évolué depuis 1965, le positionnement, que nous croyons original, de FORS demeure inchangé : à la croisée de la recherche académique et des connaissances pratiques et théoriques dont sont dépositaires les acteurs de terrain.

Les sujets étudiés en un demi-siècle sont restés eux aussi, en définitive, assez constants : c’est ainsi que les questions relatives aux quartiers en difficulté[1] ont été abordées sans discontinuer, tout comme l’ont été, les thèmes touchant à la famille, la pauvreté et la participation/citoyenneté et à la cohésion sociale. Avec, néanmoins, des variations sensibles dans le vocabulaire utilisé, ces thèmes n’ont jamais cessés d’être étudiés et débattus comme en témoignent les sommaires de la revue égrenés durant 50 ans.

La revue Recherche sociale reflète, bien évidemment, cette continuité dans l’activité de FORS dans la mesure où elle est le support qui permet au bureau d’études de valoriser ses travaux et de les diffuser au-delà du cercle de ses commanditaires directs. Cette volonté de diffusion élargie s’est concrétisée par ailleurs, dans l’édition de plusieurs numéros de Recherche sociale rassemblant des actes de colloques ou rendant compte de travaux plus exploratoires. Ces livraisons de la revue ont ainsi permis d’approfondir ou de défricher quelques questions, qui ont pu, pour certaines, connaitre des développements ultérieurs (sur la politique de la ville, sur les projets urbains, sur le logement et l’insertion, sur l’évaluation qualitative des politiques publiques, sur la participation et l’interculturalité… ).

En reprenant les travaux marquants de FORS, la revue reflète, lorsque l’on examine ses 213 sommaires, une certaine image de la commande publique d’études, et au travers de cette dernière, offre un tableau quelque peu « impressionniste » de ce qu’ont été les évolutions de la société française des trente glorieuses jusqu’à aujourd’hui[2].

Après une exploration raisonnée de toute cette production, le Conseil d’administration et l’équipe actuelle de FORS ont choisi de proposer, pour marquer l’événement cinquantième anniversaire de sa création, un numéro spécial de la revue afin de rendre compte à la fois ; de la trajectoire d’une structure d’études et de recherche, mais aussi d’un certain nombre de parti-pris lui ayant permis durant toute cette période de participer, à sa façon, à l’action publique.

Il n’apparaissait pas possible de donner à voir toutes la production de FORS sur un demi-siècle mais plutôt de chercher à montrer ce que toutes ces études opérationnelles, ces évaluations, ces travaux de prospectives permettent de saisir des changements au sein de la société… mais aussi comment ces derniers sont envisagés et pris en charge par l’intervention publique. C’est en cela, nous semble-t-il que réside l’originalité du propos que nous avons choisi de tenir dans ce numéro du cinquantenaire. Rendre compte, au travers de l’histoire d’une structure d’études et de recherche de la manière dont s’oriente au fil du temps ; la commande d’études destinée à guider l’action et au travers des travaux réalisés, de saisir l’état de la réflexion de la société à un moment particulier de son histoire sociale.

Le sommaire de ce numéro 214 propose d’éclairer ce projet selon des angles différents :

  • D’abord, sur le plan de l’histoire du bureau d’études FORS-Recherche sociale en mettant en évidence l’antériorité et la spécificité de son approche entre travaux académiques, connaissances pratiques et aides à la décision pour les acteurs de terrain (du catholicisme social à l’ « invention » de la politique de la ville) ;
  • Puis, en donnant à voir, au travers des études réalisées, l’évolution de commande publique et de la demande sociale ; mais aussi en montrant la permanence de certains sujets et questionnements (sur la politique de la ville, l’inclusion sociale, le logement des personnes défavorisées…) ;
  • Ensuite, en faisant un retour sur quelques travaux ayant porté sur des sujets emblématiques de l’activité du bureau d’études afin d’en révéler le caractère précurseur et/ou de rappeler la manière dont ils ont pu contribuer à la structuration d’un champ d’intervention (la ville, l’animation, l’habitat et le logement des personnes défavorisées, la lutte contre les discriminations, etc[3].

 

En complément de ces éclairages, nous avons demandé, lors d’entretiens réalisés pour l‘occasion, à plusieurs de nos partenaires (Union sociale pour l’Habitat, Caisse nationale des Allocations familiales, Fondation Abbé-Pierre, Centre de ressources Politique de la Ville de Seine-Saint-Denis/Profession Banlieue) d’échanger avec nous sur la commande d’études telles qu’ils la pratiquent et sur la spécificité de l’approche de prestataires tels que FORS-Recherche sociale. Les propos recueillis finissent par dessiner le champ dédié à un type particulier de savoirs et d’expertises. Ils indiquent aussi les futurs possibles pour une activité qui, plus que jamais est partie-prenante de l’action publique et à ce titre, s’avère porteuse d’une véritable utilité sociale.


[1] Le développement aurait été ainsi « inventé » à FORS comme ont pu le montrer différents travaux sur l’histoire de la politique de la Ville (Cf. l’article de T. Tellier).

[2] La liste exhaustive des 213 sommaires de Recherche sociale et de leurs contributeurs est proposée à la fin du volume.

[3] Comme toutes les professions, celles qui s’expriment dans le registre de l’étude et de la recherche à destinations d’organismes publics et d’acteurs de terrain, possèdent leur langage et tout un vocabulaire qui leur est propre (et qui s’apparente parfois à un jargon). Un florilège de ces expressions agrémentées d’une définition « non autorisée » est proposé en contrepoint des textes de ce numéro commémoratif.